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journal du siège de paris.

levard Saint-Michel. Je prends la rue Montmartre, passe au milieu des Halles centrales, traverse la Seine et arrive devant le musée de Cluny. Foule énorme sur le boulevard Saint-Michel. Tout ce que j’ai entendu de l’autre côté de l’eau n’est que de la Saint-Jean comparé à ce que l’on dit ici : 60,000 prisonniers, 30,000 tués, 50,000 blessés, 55 mitrailleuses, 42 canons d’acier longs de trois mètres, il ne faut rien moins que tout cela pour contenter le quartier latin. Si je me rendais jusqu’à la barrière d’Enfer, je suis certain que j’apprendrais la capture du roi Guillaume avec ses 400,000 soldats. Dépouillé de ces chiffres fantastiques, le succès de la journée se réduit à ceci : trente mille hommes de l’armée du prince Frédéric-Charles, se dirigeant vers Versailles, sont venus se heurter aux régiments français qui, leur barrant le passage à Antony et à Chevilly, les ont forcés à se rejeter du côté d’Arcueil, sous les feux croisés des forts de Bicêtre, de Montrouge et de la redoute de Villejuif. L’artillerie de marine et les mitrailleuses firent rage pendant deux heures et foudroyèrent ces malheureux Prussiens, qui furent bientôt obligés de battre en retraite en laissant 12 mitrailleuses et 900 prisonniers aux mains des Français, qui s’emparèrent des positions occupées la veille par les mangeurs de choucroute. Réduit à ses proportions réelles, le combat de ce jour, première victoire importante de la campagne de Paris, a une grande valeur. Il relève le moral des peureux et des pusillanimes, qui en étaient venus à croire que les soldats du roi Guillau-