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octave crémazie

critique canadienne sortira bientôt de la voie ridicule dans laquelle elle a marché jusqu’à ce jour. M. le professeur de l’École normale n’a que des éloges pour toutes les pièces qui ont précédé la Promenade de trois morts. Ses appréciations ne sont pas toutes conformes aux miennes, mais comme un père ne voit pas les défauts de ses enfants, je confesse humblement que le critique qui est tout à fait désintéressé dans la question doit être un meilleur juge que moi. Pour M. Thibault, comme pour beaucoup de mes compatriotes, le Drapeau de Carillon est un magnifique poème historique. Je crois vous l’avoir déjà dit : à mon avis, c’est une pauvre affaire, comme valeur littéraire, que ce Drapeau qui a volé sur toutes les lèvres, d’après mon bienveillant critique. Ce qui a fait la fortune de ce petit poème, c’est l’idée seule, car, pour la forme, il ne vaut pas cher. Il faut bien le dire, dans notre pays on n’a pas le goût très délicat en fait de poésie. Faites rimer un certain nombre de fois gloire avec victoire, aïeux avec glorieux, France avec espérance ; entremêlez ces rimes de quelques mots sonores comme notre religion, notre patrie, notre langue, nos lois, le sang de nos pères ; faites chauffer le tout à la flamme du patriotisme, et servez chaud. Tout le monde dira que c’est magnifique. Quant à moi, je crois que si je n’avais pas autre chose pour me recommander comme poète que ce malheureux Drapeau de Carillon, il y a longtemps que ma petite réputation serait morte et enterrée aux yeux des littérateurs sérieux. À la vogue du magnifique poème historique,