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dernières lettres.

jours). Les Prussiens allaient entrer dans Paris, à minuit trente minutes. Comme le temps est très doux pendant toute la soirée, il y avait une foule énorme sur les boulevards. Je suis allé jusqu’à la Madeleine, et, à tous les coins des rues, il y avait des groupes très nombreux. Des orateurs de carrefour excitaient le peuple à se porter en armes aux Champs-Elysées pour empêche, par la force, l’entrée des Prussiens. On écoutait, mais on paraissait peu disposé à suivre ces conseils belliqueux.

Je suis rentré me coucher vers dix heures. À minuit, j’ai été éveillé par le son du clairon et du tambour que battait la générale. Des masses de gardes nationaux en armes, portant des torches, défilaient sous mes fenêtres en vociférant : À Sainte-Pélagie ! Il paraît qu’ils ont forcé les portes de cette prison et qu’ils ont délivré le citoyen Brunel, commandant du 107e bataillon, un rouge écarlate. Est-ce vrai ? Je ne pourrais l’affirmer, car les journaux du matin n’ont pas encore eu le temps de rendre compte des événements de la nuit.

Belleville est descendu, et, comme notre rue donne dans celle du faubourg du Temple, nous avions le privilège de voir et d’entendre les gestes et criailleries de ces messieurs du faubourg. On a sonné le tocsin à Saint-Martin et à Saint-Laurent. On s’est disputé et battu un peu entre frères et amis. Enfin, vers quatre heures, une partie des gardes nationaux de notre quartier s’est dirigée du côté de l’Arc de triomphe de