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III


Deux mois après son retour en France, Baudelaire était majeur. Son beau-père, que le conseil de famille lui avait donné pour subrogé-tuteur, lui rendit des comptes. L’héritage paternel était resté jusqu’alors indivis entre les deux frères. Charles préférant recevoir sa part en argent, on vendit une portion des terrains de Neuilly. Claude garda la sienne et fit sagement ; car, en 1852, ils acquirent une plus-value considérable, dont leur propriétaire profita.

Riche d’un capital de 75.000 francs environ, libre, par suite, de vivre désormais à sa guise, « Charles alla s’installer, dès le mois de juin 1842, quai de Béthune, n° 10, dans un rez-de-chaussée composé d’une chambre unique, très haute[1] ». Le calme et la solitude du quartier, favorables au travail, l’avaient séduit. Ses amis, qu’il avait retrouvés avec une joie cordialement partagée[2], s’effrayèrent, pour lui et pour eux, de le voir s’isoler ainsi.

  1. Notes de M. Prarond.
  2. « Baudelaire s’épanouissait avec l'école normande. Pensez donc ! Deux Normands, un Picard, un Languedocien que la Providence avait réunis pour la plus grande gloire de l’amitié, qui vivaient en parlant tout haut leur pensée, tous amoureux de l’amitié et la pratiquant avec une simplicité et une sincérité telles que pour eux encore, à l’heure qu’il est, en 1845, c’est hier, c’est aujourd’hui ! C'est cette simplicité et cette sincérité qui attiraient et retenaient Baudelaire, parce qu’il savait, mieux que personne, ce qui lui manquait de ce côté et se compensait chez nous » (Notes de M. Jules Buisson).