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LES SATIRES.

l’exhorter à la pénitence. La Bible du châtelain de Berzi a l’austèro rudesse d’un sermon fait par un soldat.

Nous n’énumérerons pas un grand nombre de petites pièces qui devraient se classer ici : les unes dirigées contre quelques vices particuliers, le Mariage des filles du diable, le Dit de Perece, le Dit d’Avarice, la Mort Largece, les Dits de Jean et de Beaudoin de Condé, etc. ; les autres écrites à propos dun événement, d’une persécution, d’une querelle, d’un impôt : le Dit du Besant de Dieu, par Guillaume le Normand ; le Pèlerin, de Thomas de Bailleul ; les Vers de la Mort, attribués à Adam de La Halle, etc. Nous avons hâte d’arriver au poëte qui a déployé dans ce genre de composition le plus de verve et d’originalité, au grand satirique qui ferme le xiiie siècle, au trouvère Rutebeuf.




RUTEBEUF.


Butebeuf est un de ces noms qui fixent les dates principales de notre poésie, comme ceux de Therouldc et de Chrétien de Troyes que nous avons déjà vus, comme ceux de Villon et de Ronsard que nous verrons par la suite. Rutebeuf a vécu à Paris, et il n’a pu vivre qu’à Paris ; ce trait suffit déjà à indiquer une physionomie nouvelle. Tandis que les poètes que nous avons rencontrés jusqu’ici ont pu indifféremment naître et vivre dans les diverses provinces, Rutebeuf, polémiste au jour le jour, sorte de journaliste de son temps, devait se trouver là oii les questions générales allaient désormais se poser et se débattre ; sa place était à ce foyer grandissant d’activité intellectuelle où tout le mouvement politique et religieux de la France commençait à se concentrer.

Rutebeuf ne fut pourtant pas un haut et puissant personnage. Bien loin de là. C’était un simple trouvère de profession, gagnant sa vie à faire des vers, composant des oraisons funèbres rimées aux grands seigneurs qui trépassaient, des fabliaux pour réciter aux noces et aux festins, des vies de saints et de saintes pour les couvents, des facéties pour les charlatans et les bouffons des rues, des pièces d’à-propos à diaque événement qui mettait en émoi l’opinion publique. A ce métier, il ne s’enrichit pas ; il vécut misérablement ; cest à lui que remonte, dans notre histoire littéraire, la race illustre des poètes faméliques.