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POÉSIES DE LOUISE LABÉ.

Diane estant en l’espesseur d’un bois,
Apres avoir mainte beste assenée[1],
Prenoit le frais, de Nymfes couronnée ;
J’allois resvant comme fay maintefois,

Sans y penser : quand j’ouy une vois
Qui m’apela, disant, Nymfe estonnée,
Que ne t’es tu vers Diane tournée ?
Et, me voyant sans arc et sans carquois ;

Qu’as-tu trouvé, ô compagne, en ta voye.
Qui de ton arc et tlesches ait fait proye[2] ?
Je m’animay, respons-je, à un passant,

Et luy getay en vain toutes mes flesches
Et l’arc après : mais lui, les ramassant
Et les tirant, me fit cent et cent bresches.


Ne reprenez, Dames, si j’ay aymé ;
Si j’ay senti mile torches ardentes,
Mile travaus, mile douleurs mordantes :
Si en pleurant j’ay mon tems consumé,

Las ! que mon nom n’en soit par vous blasmé.
Si j’ay failli, les peines sont présentes ;
N’aigrissez point leurs pointes violentes :
Mais estimez[3] qu’Amour, à point nommé,

Sans votre ardeur d’un Vulcan[4] excuser,
Sans la beauté d’Adonis acuser,
Pourra, s’il veut, plus vous rendre amoureuses,

En ayant moins que moi d’ocasion,
Et plus d’estrange et forte passion ;
Et gardez-vous d’estre plus malheureuses.

  1. Abattue sous ses coups.
  2. C’est-à-dire : ait été la proie…
  3. Croyez, songez que…
  4. Vulcain.