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SOUVENIRS

facile à s’expliquer que ce Prince-là n’a jamais fait rien par économie.) Le Roi Louis XIV était tout seul au fond de son carrosse, et dès qu’il nous aperçut, le carrosse et le cortège s’arrêtant aussitôt comme par enchantement, S. M. baissa la glace de sa gauche, duquel côté nous étions ; ensuite elle se découvrit pour nous saluer avec une aménité remplie de considération. — Voilà donc le Roi ? ce grand Roi ! m’écriai-je, les larmes aux yeux. — Ajoutez ce bon Roi, ce Roi malheureux, reprit le Maréchal, avec un accent douloureux et sombre.

En arrivant à Saint-Cyr, nous traversâmes d’abord une grande pièce où se trouvaient le service d’honneur et les pages de S. M., qui s’était allée promener dans les jardins du couvent avec M. l’Évêque de Chartres et quelques autres seigneurs que je n’aperçus point. Madame de Maintenon se tenait dans une chambre haute, lambrissée de chêne, sans peinture, et meublée tout uniment en point de Bergame. Devant chacun des sièges, il y avait un carreau de tapisserie pour mettre sous les pieds, parce qu’il n’y avait pas même un grand tapis sur le parquet, tant l’ameublement était simple. Mme de Maintenon me fit approcher pour me baiser au front ; elle me regarda de l’œil le plus intelligent et le plus doux ; ensuite elle se remit à causer avec sa voisine, et j’allai m’asseoir à côté de ma grand’mère, qui me dit que c’était Mme la Duchesse du Maine. — La belle-fille de Mme de Montespan ? lui dis-je entre haut et bas, mais pas assez bas pour que mon oncle de Tessé ne l’entendît point — Mon Dieu ! comment se fait-il que vous parliez ici de semblable chose ?