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SOUVENIRS

les tenailles et de replacer méthodiquement tous les tisons dans la cheminée ; il repoussa du pied quelques charbons enflammés, sans les écraser sur le tapis, et puis il se retourna du côté de la Marquise, à laquelle il fit la révérence. — Madame, oserais-je vous demander à qui j’ai l’honneur de parler ?

— Monsieur, je suis Mme de Bauffremont, mais comme je ne vous connais pas du tout, comme vous n’avez pas la physionomie d’un voleur, et que vous avez les procédés les plus soigneux pour mon mobilier, je ne saurais deviner pourquoi vous arrivez dans ma chambre au milieu de la nuit et par la cheminée ?

— Madame, je n’avais pas l’intention d’entrer dans votre appartement… Auriez-vous la bonté de m’accompagner jusqu’à la porte de votre hôtel ? ajouta-t-il en tirant un pistolet de sa ceinture et en prenant une bougie allumée.

— Mais, Monsieur…

— Madame, ayez la complaisance de vous dépêcher, poursuivit-il en armant son pistolet. Nous allons descendre ensemble, et vous ordonnerez au suisse de tirer le cordon.

— Parlez plus bas, Monsieur, parlez plus bas ! le Marquis de Bauffremont pourrait vous entendre, reprit cette malheureuse femme en tremblant d’effroi !

— Mettez votre mantelet, Madame, et ne restez pas en peignoir ; il fait un froid extraordinaire !

Enfin tout s’arrangea suivant le programme, et Mme de Bauffremont en demeura si troublée, qu’elle fut obligée de s’asseoir un moment dans la loge du suisse, aussitôt que ce diable d’homme eut