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SOUVENIRS DE LA MARQUISE DE CRÉQUY.

ma momie, elle ne tarissait pas sur les bons effets de la momie, et soit dit en passant, on en met beaucoup dans la thériaque, ainsi que mon père me l’a dit souvent. Pendant son ambassade à Venise, il avait demandé qu’on lui fabriquât de la thériaque en en retranchant ce vilain ingrédient-là ; mais on lui répliqua qu’il était indispensable, et que depuis la première formule de cette confection stomachique, inventée par Andromachus, médecin de Néron, on n’avait jamais omis d’y faire entrer une certaine dose de cette chair humaine embaumée.

En dédommagement des galimafrées de Madame et de ses ragoûts tudesques au tabac d’Espagne, auxquels je ne pouvais prétendre, j’allai manger de la crème et des fruits avec Mesdemoiselles de Lorraine, que le Grand-Écuyer, mon oncle (Louis de Lorraine, Prince d’Armagnac), avait réunies en famille, afin de leur donner un divertissement qui consistait à voir danser des chiens habillés en amours, en bergères et en procureurs.

Ces deux jeunes Princesses, les plus jolies du monde, étaient alors Mesdemoiselles de Joinville et de Guise, dont l’une est devenue Duchesse de Bouillon, et dont l’autre a été la seconde femme du Maréchal de Richelieu. Vous verrez plus tard qu’elle en avait eu pour unique enfant Mme d’Egmont, laquelle avait pleinement hérité des grâces de sa mère.

Au commencement de notre goûter, nous eûmes la surprise et la contrariété de voir tomber comme une bombe au milieu de la grande écurie, notre tante d’Elbœuf, qui était une grosse personne d’environ