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DE LA MARQUISE DE CRÉQUY.

à compter réciproquement leurs taches de rousseur.

Ma tante me fit très-bien instruire de ma religion, et me fit soigneusement étudier l’Histoire sacrée et profane, la théologie usuelle, ce qui n’était pas alors sans utilité pour se prémunir contre les nouveautés du jansénisme ; la géographie, ce qui va sans dire, ainsi que la mythologie ; les généalogies françaises et autres ; enfin le blason, la langue italienne et la meilleure littérature de notre temps. J’avais une mémoire parfaite, et j’étais d’une application satisfaisante. Je voulus absolument apprendre le latin, à l’exemple de ma tante, qui le comprenait suffisamment, ainsi que presque toutes les dignitaires de sa congrégation ; mais bien qu’on m’ait voulu donner la réputation d’une femme savante, je vous dirai que je n’ai jamais été meilleure latiniste qu’un écolier de troisième, à ce qu’il m’a semblé. Et quant à la science du grec, dont on m’a bien voulu faire honneur, je vous dirai que je n’en ai jamais possédé que ce qu’on en peut acquérir toute seule, en lisant et en apprenant par cœur le Jardin des Racines grecques. C’est tout ce qu’il en faut pour comprendre les nouvelles nomenclatures qui sont forgées par les pédans, et je vous conseille bien de ne pas perdre votre temps à faire l’analyse et la synthèse de cette langue morte. Je voulus encore apprendre à lire les vieilles écritures ; je passais tous les jours une heure ou deux dans une grande salle de l’abbaye, ou l’on conservait les anciens contrats, et j’y déchiffrai deux vieilles chartes qui firent gagner un procès à Mesdames de Montivilliers, contre l’évêque de Coutances, lequel procès durait depuis 130 ans. Enfin, j’avais toujours le nez dans les vieux