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SOUVENIRS

et qui vous les feront distinguer au premier coup d’œil. C’est un mélange inouï de vide et d’informe ; de mielleux, d’arrogant et de niais ; de mystique et d’érotique et de germanique enfin, qu’on trouve inconcevable et qui ne saurait s’exprimer. Ces hommes qui rejettent les dogmes du catholicisme, admettent toutes les superstitions connues. Dans une même tête, on trouve amassées les opinions de Pythagore et la philosophie de Kant ; le pyrrhonisme de Voltaire et la croyance aux enchantemens ; la plus ridicule exaltation pour les temps gothiques et pour la chevalerie, avec une âpreté révolutionnaire et toute la sécheresse du philosophisme ; ils sont impies, si vous leur demandez les œuvres du chrétien ; mais vous les trouvez toujours catholiques dans tous leurs poèmes et dans toutes leurs compositions littéraires. La morale de Lycurgue y paraît à côté de celle d’Épicure. Ils ne veulent pas croire aux miracles de Saint Jean-Népomucène, mais ils ne doutent pas que les magnétiseurs ne chassent les démons, et qu’un sorcier de Marbourg ne fasse danser les morts. Erasme disait : « Il y aura toujours quelque chose de niais dans tout ce qui viendra des protestans ! »

Il est à considérer pourtant qu’en Allemagne, on voit présentement des ministres protestans, des princes philanthropes, et des savans renommés, qui professent ouvertement la magie ; et ce n’est pas seulement l’Allemagne protestante qui nous présente aujourd’hui ce phénomène de l’impiété. Dans les temps extraordinaires, l’extraordinaire soulève ses voiles, et l’un des secrets du jugement de Dieu contre ceux