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SOUVENIRS

qui se recherche et s’écoute parler en voulant toujours singer le bel air de Paris. Mademoiselle de Querohent nous dit que la noblesse de Basse-Bretagne ne voulait jamais porter les deuils de cour à moins que ce ne fût pour un prince de la maison de Bourbon, ce qui me parut assez raisonnable. Elle avait un neveu de son nom qui fut créé Duc héréditaire en 1730, mais il fut arrêté pour prêter son serment, par je ne sais quel scrupule et quelle formalité qui se rattachait aux franchises de sa province, dont il exigeait le maintien, d’où vint qu’il en resta simple Marquis. On ne concevait pas chose pareille, à Versailles ; et quand il y vint ensuite pour monter dans les carrosses en vertu de ses preuves de 1399, qui n’étaient pas difficiles à faire pour lui, on apprit qu’il avait été chargé d’y solliciter l’exécution du contrat de mariage de Louis XII avec la Duchesse Anne de Bretagne. Je vous assure que les Bretons sont de singuliers personnages et d’aimables gens ! Mesdemoiselles de Querohent et de Kervenozaël avaient pour escorte un Écuyer, et de plus deux filles de chambre et de condition, suivant la coutume de Basse-Bretagne. Elles s’asseyaient devant leurs maîtresses qui les faisaient manger avec elles, tout comme au bon vieux temps de leurs Ducs Judicaël et Nominoé. Les deux suivantes avaient nom Mesdemoiselles de Louisgrif et de Kercorngru. Quant à l’Écuyer, véritable cruche à cidre, il était Fouesnel, s’il vous plaît ! Fouesnel de nom et d’armes, et Fouesnel dans l’âme ! Il était sorti d’une de ces carrossées de Fouesnels qui venaient toujours s’échouer aux Rochers pendant la tenue des états. Il était le propre neveu de cette vilaine du