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SOUVENIRS

Duc de Nivernais, son père… Nous eumes à peine le temps d’essuyer nos yeux, et nous dévorâmes nos larmes du mieux qu’il nous fut possible. Heureusement que nous n’avions pas mis de rouge, à cause de la cérémonie du matin car nous en aurions été risiblement barbouillées, comme il arrive aux jeunes mariées qu’on mène à la tragédie.

Il fallait choisir son heure et les momens pour s’attendrir sans qu’il y parût, dans ce temps-là. Les galans soupçonneux et les maris jaloux ne savaient pas toutes les graces qu’ils avaient à rendre à l’usage du rouge, à la poudre, à la coiffure étagée de leurs belles et surtout à leurs paniers de quatre aunes et demie d’envergure ! Quand une femme de bonne compagnie n’était pas vieille et qu’elle recevait la visite d’un homme, on ne fermait jamais la porte de la chambre où ils se trouvaient. Aucun visiteur ne s’asseyait devant nous qu’à distance respectueuse (l’idiotisme en est dérivé de l’usage), et jamais on n’aurait vu des hommes aller s’installer et s’étaler à côté d’une femme sur un canapé. Pour qu’une femme de qualité se conduisit mal, il fallait absolument qu’elle en eût la décision bien prise, et c’était l’occasion qui manquait si l’herbe tendre ne manquait pas. Mais il est temps d’en revenir à cette pauvre Septimanie, qui était dans une agitation cruelle, et dont la charmante figure avait pris, en voyant entrer Mme de Gisors, quelque chose de sinistre et de calamiteux. Nous nous séparâmes bien tristement, et je reçus le lendemain la visite du Curé de Saint-Jean-en-Grève qui demandait à me