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SOUVENIRS

Mam’selle Poisson !… Jugez ce qu’il aurait dit en voyant la Gazette de France annoncer la présentation de Mme Dubarry ! Hélas, hélas ! ce fut un scandale avec des rumeurs à faire écrouler toute une monarchie ; mais, pour l’honneur de la noblesse de France, il ne faut pas oublier qu’on eut bien de la peine à trouver une femme de condition qui voulût se laisser commettre à cette présentation-là ; aussi bien, fut-ce parmi les Dames de la feue Duchesse de Berry, fille du Régent, qu’on fut obligé d’aller quémander une pareille lâcheté. On n’avait pas osé s’adresser à des femmes parfaitement considérables, c’est-à-dire à des personnes du plus grand air pour le monde et du meilleur ton pour les mœurs ; on était descendu de certaines femmes de grande qualité, peu respectables du reste, et qui néanmoins refusèrent toutes à qui mieux mieux, avec des éclats de hauteur et des indignations admirables, on était descendu, vous dirai-je, à la Marquise d’Aloignÿ qui prétexta d’un mal de jambe, et qui s’établit sur son lit, ou elle eut la patience de rester deux ou trois mois encore après la présentation de Mn, e Dubarry. À défaut de mieux, on fut donc obligé de s’accommoder d’une misérable Gasconne intitulée Comtesse de Béarn, vilaine joueuse à qui nous n’aurions pas fait la révérence ! Elle avait eu nom Mlle Morin, et la famille de son mari, bien noble et très ancienne au surplus, s’était emparée du nom de Béarn, à cause d’une alliance qu’elle avait contractée en 1508 avec une prétendue descendante des anciens Vicomtes de Béarn, tandis que cette maison souveraine avait fini (l’an 1290) dans la personne de