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SOUVENIRS

celle du grand-commun ; enfin nous allâmes prendre possession de nos tabourets au grand-couvert, où l’affluence était si grande que Mme de Coigny ne put jamais trouver une place pour y faire établir son bienheureux tabouret, ce qui nous divertissait agréablement, et ce qui nous trouva sans miséricorde pour une pareille hors-venue. Ladite Mme de Coigny, qui s’appelait mademoiselle de Navet, venait de recevoir son brevet pour les honneurs du Louvre, et c’était la première fois qu’elle se présentait pour s’asseoir devant la Reine. Elle était veuve de M. de Coigny, dont le père avait été créé Duc nompair en 1747, et n’avait jamais pu faire les preuves de noblesse exigées pour recevoir le cordon bleu, d’où vint qu’il avait obtenu pour les produire un délai de cent ans, par ordre du roi. Jugez s’il aurait pu fournir les preuves de sa noblesse en 1399, époque antérieure à celle des premiers anoblissemens, lesquelles preuves étaient cependant exigibles pour la présentation de sa belle-fille, qui n’avait seulement pas droit aux honneurs de Versailles, c’est-à-dire à la présentation pure et simple, et à laquelle on attribuait effrontément les honneurs du Louvre ! Il en est ainsi du titre et des prérogatives ducales accordés à MM. de Crillon[1]. Voilà comme on a fait des recrues pour nous assister et nous encadrer sur les bancs de la haute noblesse. Comment voulez-vous qu’une monarchie

  1. Leur nom de famille est Berton, et leur prétention consiste à être sortis de la famille Balbi, ce qu’ils n’ont jamais pu faire accroire à personne dans leur pays Venaissin. Le fameux Crillon n’était qu’un soldat de fortune. On a toujours