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DE LA MARQUISE DE CRÉQUY.

tenait une lettre à l’adresse de M. le Comte de Sade, poste restante à Paris. Elle était timbrée de Marseille et l’on y faisait un horrible récit de la trouvaille de ces deux corps qu’on avait pêchés dans un étang. La malheureuse femme avait fini par s’évanouir d’angoisse et de souffrance mortelle ; Mme de Boulainvilliers la fit panser et servit elle-même à lui rajuster la peau sur la jambe avec une sollicitude admirablement courageuse. Enfin quand la connaissance lui fut revenue et que l’hémorragie fut comprimée, voici la déclaration qu’elle fit en substance et que le Baillif écrivit sous sa dictée.

Un homme de trente-quatre à trente-six ans, de grande taille, assez replet, ayant tous les traits de la figure parfaitement réguliers, la peau du visage extrêmement rouge, les yeux d’un bleu très clair et le regard insidieusement doux et faux, était venu louer cette maison dont elle était portière. Il avait payé deux termes d’avance ; il n’avait pas voulu permettre qu’on y fît les réparations les plus nécessaires et n’avait pas voulu dire son nom. Il arrivait quelquefois au milieu de la nuit avec d’autres personnes, et le plus souvent il ouvrait la porte au moyen d’un passe-partout, à petit bruit, sans entrer dans la loge de la portière et sans lui permettre d’en sortir, ayant toujours soin d’en tourner la clef pour l’y renfermer jusqu’à l’heure de son départ….

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ça serait, disait-il en contractant sa bouche et faisant sourire ses yeux de tigre, une légère incision pour essayer l’effet d’un onguent admirable ; il n’y paraî-