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DE LA MARQUISE DE CRÉQUY.

teries les plus notoires. On pourrait dire que ces méchans puînés des seigneurs de Hohenzollern ont été les juifs du Saint-Empire. Je pourrais vous dire encore une chose qu’on voudrait dissimuler au sujet de ces petits comtes de Hapsbourg, qui sont devenus archiducs d’Autriche, et dont la postérité va s’éteindre avec la bonne et respectable Marie-Thérèse ; c’est à savoir que, dans toutes les anciennes chartes du royaume transjurain, ils ne se trouvent jamais nommés ou mentionnés qu’après les évêques de Bâle et de Lausanne, à la suite des comtes de Fribourg et des comtes de Gruyères, leurs voisins. Mais il y a long-temps que ma parenthèse est ouverte, et j’aurais envie de la fermer pour en revenir à Mme d’Egmont. Qu’en pensez-vous ?)

Le public de Versailles entrait par une porte et sortait par une autre, en décrivant dans sa marche rapide un quart de cercle autour du grand-couvert. Nous étions assises à la porte du Roi, auprès de la porte d’entrée, et Mme d’Egmont se trouvait à mes côtés, la dernière au premier rang, c’est-à-dire au plus près du public.

J’avais entendu comme une sorte de rumeur confuse et contenue, discrète, étouffée par le respect, et je vis l’Exempt des gardes-du-corps parler avec un militaire qui tenait ses regards attachés sur Mme d’Egmont. C’était un jeune homme admirablement beau, mais beau d’une étrange manière. Il nous regardait avec un air dominateur, comme s’il avait été le Roi de la création, comme si les merveilles de ce palais et les pompes de cette cour n’eussent été de rien pour lui. Son habit était celui