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DE LA MARQUISE DE CRÉQUY.

chel souffrait une vive douleur ; les mouvemens convulsifs de son visage et surtout de ses lèvres faisaient frissonner. La Princesse de Kinski se cachait les yeux de ses mains. Il sortit des plaies beaucoup de sang ; on lava, à plusieurs reprises, les pieds et les mains avec de l’eau tirée à la fontaine de la cuisine par mademoiselle Bihéron ; enfin le sang parut étanché ; elle enveloppa chaque pied d’un linge, et se chaussa. On ne mit point de linge à ses mains. Elle a resté une heure en croix. Cependant la croix de sœur Félicité était étendue sur le carreau, au bas de la croix de Rachel. Malgré les avertissemens et les précautions de la sœur Sion, Rachel, en marchant, effleura de sa robe les doigts de Félicité, qui jeta un cri. Le visage de celle-ci était ardent et enflammé ; ses yeux étincelaient ; elle gardait le silence. Elle fut sur la croix un quart d’heure de plus que sa compagne, donna les mêmes signes de douleur quand on arracha les clous, et rendit comme elle beaucoup de sang. À peine Rachel était elle descendue de la croix qu’elle était allée vers M. Dubourg, marchant sur les genoux, et lui avait pris les bonbons ; de là, se traînant vers madame de Kinski, elle avait appuyé sa tête sur les genoux de cette princesse, et elle lui faisait des caresses enfantines. M. de Vauville nous dit qu’elle allait dîner ; qu’elle avait été le matin à pied au mont Valérien et en était revenue sans manger. Il était trois heures. Alors Rachel fit trois grands bâillemens, qu’on me dit être la fin de sa convulsion. En effet, après ces bâillemens, elle fut une grande fille ; on lui ôta son bourrelet ; on lui mit une coiffure ordinaire ; elle