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DE LA MARQUISE DE CRÉQUY.

que sa femme voulait décidément prier à souper un jeune et joli M. d’Oraison. Le Prince ne voulait pas entendre parler de M. d’Oraison, et la Princesse ne voulait pas recevoir Mme Pâter, d’où venait qu’ils se contrariaient toute la journée. Comme ils étaient également et parfaitement déraisonnables, Mme de Guémenée disait toujours qu’ils ne pouvaient rien faire de plus raisonnable que de se disputer. Il est vrai qu’ils avaient toujours tort à raison de ce qu’ils voulaient, et qu’ils avaient habituellement raison sur les choses qu’ils ne voulaient pas.

M. de Vaudémont avait entrepris, je ne sais pourquoi, de me faire aller à l’hôtel de Brienne avec sa femme, et j’eus grand’peine à lui résister.

Je n’allais jamais chez les Brienne et par un singulier motif : j’étais choquée de voir ces Loménie établis sans réclamation dans la possession de ce grand nom de Brienne, qui ne devrait appartenir qu’à MM. de Conflans. Ces paperassiers de Loménie étaient du même acabit et dataient de la même époque que vos alliés et mes parens les Neuville de Villeroy ; mais du moins les Neuville, en prenant ce nom de Villeroy, ne portaient que le nom d’un fief et n’avaient pris le nom d’aucune famille connue, tandis que dans ma pensée je ne pouvais jamais séparer ces nouveaux Brienne du titre de Porphyrogénète ou de Sébastocrator, et de la couronne impériale d’Orient qu’avaient portés leurs homonymes. Quand j’entendais annoncer M. le Comte et Mme la Comtesse de Brienne ! et que je voyais apparaître une couple de Loménie, il me semblait qu’on me donnât un coup de sabot sur le nez.