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DE LA MARQUISE DE CRÉQUY.

femme de condition dont on ait dit autant de mal que de moi !

— Allons donc ! vous êtes bien de votre province avec la Brinvilliers ! lui répondis-je, enflammée de courroux aristocratique et possédée par le démon de l’orgueil nobiliaire ; la Brinvilliers n’était pas autre chose qu’une bourgeoise dont le mari avait acheté le domaine utile de ce marquisat de Brinvilliers. C’était le Prince de Conty qui en était resté titulaire, et son fils en prend encore aujourd’hui la qualité dans tous ses contrats.

— Je n’avais pas vu cela dans les Causes célèbres

— Mais la belle autorité que vos Causes célèbres, où tous les arrêts sont dénaturés et tous les noms estropiés ! Voyez en quels termes et de quel air du haut en bas Mme de Sévigné parle de cette femme. Faites-vous montrer au greffe du Parlement les pièces de son procès, et vous verrez si la Brinvilliers était ce que vous appelez une Marquise !

— Ce que vous dites là me fait bien de la peine, répondit la Marquise de Sillery en éclatant de rire, et voilà que vous me reprochez mon ignorance, au lieu de compatir à mon affliction… Je serais bien fâchée d’être aussi savante et aussi peu sensible que vous !

— Il est vrai, lui dis-je en riant à l’unisson, que je viens de vous faire une sortie bien intempestive et passablement extravagante ! mais chacun a ses manies ou ses infirmités. Que voulez-vous ? j’entre toujours en colère et j’étouffe de rage aussitôt que j’entends donner à la femme de maître Jean Gobelin, con-