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Page:Créquy - Souvenirs, tome 4.djvu/144

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SOUVENIRS

mander personne, mais je vous assure que je lui parlerai de vous la première fois que j’irai à Versailles. — Oh ! Monseigneur, puis-je espérer que ?… — Je ne vous réponds de rien, sinon d’en parler au Roi, mais vous pouvez compter que je n’y manquerai pas si je puis sortir de mon lit avant ma mort, et je vous réponds qu’il s’en divertira.

Il était impossible que je ne vous disse pas quelques mots sur ce vieux coryphée qui doit être compté parmi les singularités du dix-huitième siècle. On n’a jamais réuni tant de fanatisme chorégraphique et de niaiserie à plus d’esprit naturel, à plus de finesse dans les observations et d’originalité dans leur expression[1]. Le père Vestris avait donné des leçons de contenance et de révérences à ma belle-fille, à qui je l’ai ouï dire des choses et donner des avis d’une subtilité d’intelligence incomparable ; j’ai retrouvé dernièrement et bien à propos le programme ou plutôt la copie d’une leçon qu’il avait donnée devant mon fils au Prince de Lamarck, et que Rullières avait écrite sous leur dictée. Vous connaissez la bonne mémoire et le talent d’imitation de votre père ; ce sera comme si vous entendiez lé Diû

  1. Un de ses ridicules était de vouloir absolument dissimuler son âge. Une danseuse émérite ayant dit qu’elle avait été son écolière : — Oh ! mignonne Rosette, fut-il lui dire (votre père et mes neveux se trouvaient sur la scène), vous débitez avoir pris leçons de moi ; mais, bachelette, vous en donniez depuis vingt ans que je n’en prenais point encore ! — Elle me croit, dit-il en se retournant avec un air juvénile et moqueur, — Elle me croit un Saturne de la Fable, ou le Destin d’Homère !
    (Note de l’Auteur.)