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Page:Créquy - Souvenirs, tome 4.djvu/59

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DE LA MARQUISE DE CRÉQUY.

avec des pivots en diamant ? Ce serait pour les yeux.

— Oh ! je n’ai pas le génie des allusions métaphoriques à ce point-là ; mais je vous connais, lui répliqua Fontenelle : vous n’allez pas manquer de m’attribuer cette belle hyperbole, et vous allez dire partout que j’ai comparé les beaux yeux de Mme du  Boccage à deux trous dans une montre. Ce ne sera pas la première galanterie de ce genre-là que vous m’aurez faite ; mais ne vous en gênez pas, disposez de la réputation de mon peu d’esprit ; il est au service du vôtre, et je vous baise les mains en toute humilité.

On ne saurait s’imaginer combien Voltaire était importuné, jaloux et malheureux de la gloire de Fontenelle. Hélas ! il en est de la renommée de Fontenelle aujourd’hui comme de celle de Mme du Boccage, et je pense bien que la gloire de Voltaire sombrera sous voiles au bout de quelque cinquantaine après son décès. Rien n’est stable ici-bas, hormis l’instabilité, a dit l’apôtre saint Jacques.

Mme du Boccage a vécu pendant quarante ans sur un piédestal et sous un dais, au sommet du Parnasse, au milieu d’un nuage d’encens pindarique. Elle a toujours vécu dans cet empyrée d’adulations universelles ainsi que M. de Marigny pendant la faveur de Mme de Pompadour, c’est-à-dire avec une simplicité toute modeste et quasi craintive. On disait alors qu’ils s’aimaient beaucoup, un peu trop peut-être ; et, quoi qu’il en fût, personne ne les a connus sans les aimer et les estimer, sinon pourtant votre tante du Guesclin, qui me reprochait toujours mon