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SOUVENIRS

cette façon d’agir. Il a été convenu que votre frère, le Marquis, prendrait parti contre cette dame, ce dont il se tire le mieux du monde et très naturellement : c’est une chose arrangée, parce qu’il est bon de songer à M. le Dauphin ; vous avez moins de consistance que votre frère, parce que vous êtes le plus jeune et que vous passez pour étourdi, ce qui me semble un motif de sécurité pour vous, n’importe ce qu’il en arrive. J’aurais eu le désir et l’intention de rester dans une sorte de neutralité qui convient à mon âge ainsi qu’aux habitudes régulières de toute ma vie ; mais nous sommes bien embarrassés, votre mère et moi, parce que le Roi nous a fait l’honneur de nous désigner pour un souper dans ses cabinets, où nous avons l’inquiétude de nous trouver avec Mme du Barry. Vous ne sauriez imaginer le chagrin que cela fait à votre mère : elle en est malade et n’a fait autre que d’en pleurer depuis deux jours et deux nuits ; mais j’ai beau me creuser le cerveau, je n’y trouve aucun remède ; il faudra que votre pauvre mère y vienne, et c’est une grande affliction pour nous.

Ce qui résulta du souper dans les cabinets, c’est que la mère du Vicomte y fit si triste mine à Mme du Barry, qu’on s’empressa de la rayer de la liste des petits appartemens : mais ceci n’empêcha pas le mari d’obtenir un bâton de Maréchal de France. Ce dernier personnage était à peu près aussi recommandable et aussi considérable que peut l’être un homme qui manque absolument d’esprit ; on n’en parla que pour le disculper en disant bonnement. — C’est qu’il est si bête ! exclamation qui suffit