Page:Créquy - Souvenirs, tome 5.djvu/137

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
133
DE LA MARQUISE DE CRÉQUY.

il m’a dit que vous lui aviez ordonné de m’embrasser de votre part, et des deux côtés.

Quoi ! deux baisers sur la fin de ma vie ;
Quel passeport vous daignez m’envoyer.
Deux ! c’en est trop, adorable Égérie ;
Je serais mort de plaisir au premier !

« Il m’a montré votre portrait ; ne vous offensez pas, Madame la Comtesse ; car j’ai pris la liberté de lui rendre les deux baisers avec un transport de passion que mon profond respect avait grand’peine à tempérer.

Vous ne pouvez empêcher cet hommage,
Faible tribut de quiconque a des yeux :
C’est aux mortels d’adorer votre image ;
L’original était fait pour les Dieux…

« M. de la Borde m’a fait entendre plusieurs morceaux de Pandore : ils m’ont paru dignes de la protection dont vous honorez le compositeur. La faveur accordée par vous, Madame, aux véritables talens est la seule chose qui puisse augmenter l’éclat dont vous brillez. Daignez, Madame, agréer l’hommage et le tribut d’admiration d’un vieux solitaire, dont le cœur n’a presque plus d’autre sentiment que celui de la reconnaissance, etc.

« Voltaire. »


L’Évêque de Senez, dont je vous ai parlé, avait prêché devant le Roi sur un texte rigoureux, car c’était « Malheur à celui par qui le scandale arrive ! » et l’on remarqua que ces paroles sévères avaient fait beaucoup d’impression sur l’esprit de S. M.