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DE LA MARQUISE DE CRÉQUY.

que c’était un des estimables protégé de M. de Maurepas.

Sa femme alla se mettre à son tresset comme une véritable fée Grognon, et quand son huissier vint amener auprès d’elle et lui nommer Mlle d’Eon, elle ne leva seulement pas la tête. La Chevalière avait approché de cette table en faisant mille révérences et force complimens les plus respectueux pour Madame la Comtesse de Maurepas, qui lui répondit sans la regarder, — C’est bon, c’est bon, Mam’selle ; allez vous asseoir au coin du feu pour vous sécher les pieds.

La Chevalière alla s’établir auprès de la cheminée, où tout ce qui se trouvait dans la chambre, à l’exception des trois joueurs de tresset, s’était rassemblé pour écouter les plus sauvages et les plus étonnantes choses du monde qu’elle y débitait avec une hardiesse inconcevable. La Comtesse faisait semblant de ne rien entendre, et quand on venait lui en rapporter quelque chose, elle y répondait paisiblement — Je ne vois pas dans tout ça le mot pour rire, et je ne comprends rien à M. de Maurepas qui a l’air de s’en amuser ?

Quand la demoiselle eut tout-à-fait désespéré de se faire écouter par la dame du logis, elle se mit à crier comme une louve, en disant mille sottises, et notamment qu’elle était saisie d’une colique abominable et qu’elle allait sûrement faire une fausse couche avant de pouvoir sortir du salon. Elle ajouta comme en pleurant, qu’elle était grosse de cinq à six mois, sans pouvoir dire si c’était du fait de Mgr le Duc de la Vrillière ou de M. de Phé-