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DE LA MARQUISE DE CRÉQUY.

Mme de Maurepas, dans sa grande salle à deux cheminées, et sur les cent pièces de son meuble en arlequin. Vous pensez bien qu’il ne fut pas plus question de Milord Goys que de sa tentative en mystification, sur laquelle il avait toujours été convenu de garder le silence. Ce fut Mme de Maurepas qui m’en fit le récit un ou deux jours après, en me disant que ce qui l’avait empêchée de s’y laisser tromper, c’est qu’elle avait remarqué du coin de l’œil que cette prétendue chevalière d’Eon ne portait pas la croix de Saint-Louis, ce qui l’avait éclairée suffisamment. — J’ai tout d’suite pensé qu’on n’avait pas voulu compromettre une croix qui est sous le vocable d’un Saint (et qui est la croix d’un ordre royal), sur un farceur et pour attraper l’monde, ce qui serait une abominable prostitution que M. de Maurepas n’aurait pas voulu souffrir chez lui.

— Mais je le crois bien, répliquai-je, il est Chancelier des ordres et Ministre du Roi ! N’est-ce pas lui qui a fait mettre le comédien Brizard en prison, parce qu’il avait profané la croix de St-Michel en l’appliquant sur sa poitrine en plein théâtre ?

Mais à propos d’croix, me dit-elle, est-ce que votre oncle le Bailly n’a pas encore gagné son procès contre les comédiens qui s’déguis’en Chevaliers de Malte ?

— Si fait, si fait, répondis-je ; il a poursuivi cette affaire au nom de son ordre, et le Maréchal de Richelieu nous a bien promis que, si les acteurs du Théâtre-Français s’avisent d’arborer la croix de Malte, ils peuvent être assurés d’aller coucher au Fort-l’Évêque.