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SOUVENIRS

attendris sur un gentilhomme anglais qui avait connu sa mère en 1744…

— « Monsieur l’Abbé d’Espagnac ne ferait-il aucune difficulté pour en donner sa parole d’honneur, en présence de son Altesse Sérénissime ? »

« Je la donne, je vous la donne, Milord ! j’ai quarante-quatre ans ! quarante-quatre ans !… »

Et voilà l’Anglais qui se met à crier : — O vô été véritabelmente le filz et l’héritiere deé moa que vos aurée toute mon fortune !!! » Et les voilà qui se précipitent dans les bras l’un de l’autre et qui se mettent à se reconnaître, à s’embrasser et se pâmer d’attendrissement. — Ah ! la force du sang ! disait l’Abbé d’Espagnac ; — ce que c’est que la force du sang !… Nous ne nous étions pourtant jamais vus ; voyez quelle émotion j’éprouve !… Allez, Messieurs, il n’y a de sentimens vrais que les sentimens naturels ; je ne veux plus reconnaître et je ne connais plus que les sentimens naturels et vrais, les sentimens vrais et naturels manifestés par la force et par la voie du sang !… Ah ! quel coup du ciel ! Je ne m’en doutais guère… Je ne me serais guère douté ce matin que cet excellent, ce vénérable Milord Artusco, qui était l’ami de ma mère… et qui certainement… ; et encore qu’il aurait eu le malheur d’avoir perdu toute sa famille, excepté ces deux scélérats !…

L’Abbé d’Espagnac finit par en tomber en syncope ; on fut obligé de l’inonder d’eau froide, et quand il eut repris connaissance, il apprit avec un peu de contrariété que M. son père était allé se coucher dans un hôtel garni, où il donnait rendez-vous