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DE LA MARQUISE DE CRÉQUY.

Quelque temps après le véritable auteur d’Aline, et son compétiteur se rencontrèrent à l’hôtel de Choiseul. — Monsieur de… Périgord, lui cria M. de Boufflers, et de l’autre côté du cercle et pendant un moment de profond silence, — connaissez-vous les œuvres de Rabelais ?… — Apparemment, répondit l’autre avec sécheresse et non pas sans alarme. — Apparemment… pas trop ! dit le Chevalier. — Oserais-je vous demander pourquoi ?… — Monsieur l’Abbé, lui répliqua l’auteur d’Aline en s’inclinant, je vous ai demandé si vous connaissiez les œuvres de Rabelais, parce que je voulais vous dire que c’est moi qui les ai faites.

L’Abbé de Talleyrand ne trouva pas un mot à répondre ; il a toujours été facile à interloquer, pour peu qu’on lui montre de la franchise et de la résolution. Je vous ai déjà dit qu’il n’avait pas la faculté de bien écrire en français, et du reste, il n’a jamais eu celle de pouvoir écrire ou parler (de son cru), pendant plus de quatre à cinq minutes. On a prétendu qu’il devait composer et publier les mémoires de sa vie, ce qui serait une chose édifiante pour nous, et ce qui serait une ressource pour lui, dans la misère où il est retombé ; mais sans argent pour payer un rédacteur de ses Mémoires, je vous réponds qu’il est incapable d’en écrire autre chose que des sommaires de chapitre et la table des matières.

Pour se venger d’une exécution pareille, autant que possible, il allait disant partout que le Chevalier de Boufflers était d’une laideur intolérable, et c’est une chose dont je ne pouvais convenir. M. de Boufflers n’a pas dans la figure un seul mouvement qui