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DE LA MARQUISE DE CRÉQUY.

décoré d’une de ses clés de chambellan. Le jeune homme trouvait avec raison que ce serait la plus mauvaise recommandation du monde auprès des magistrats bretons qui n’aimaient ni la philosophie, ni les calvinistes, ni les amis de Voltaire, et les rois philosophes encore moins ! Le Président de Kuillé disait toujours que, si le roi de Prusse avait eu le malheur de se permettre une pareille incartade, on aurait décrété contre lui !

Ceci me rappelle que le Parlement de Normandie avait assigné le même roi Frédéric pour comparoir à sa barre, à propos d’une réclamation d’argent, considérant qu’il était vassal du Roi de France à cause de ses prétentions en indivis sur la principauté d’Orange et sur le comté de Monlbelliard. C’est qu’il faut vous dire que toute la terre avait été révoltée de ce titre de Roi de Prusse, que la famille de Brandebourg venait d’extorquer, on ne savait pourquoi ni comment ? Toutes les vieilles gens, et surtout les justiciers, s’obstinaient à lui refuser leur récognition. — Qu’est-ce que c’est, disaient-ils, qu’un royaume de Prusse ? Est-ce que l’on peut faire un roi sans royaume ? Est-ce que l’Empereur a voulu se moquer du monde et des princes chrétiens ?…… Il se trouvait aussi que les princes chrétiens ne se souciaient pas de reconnaître cette promotion de rois de Prusse, et je vous dirai notamment que l’Almanach de la cour de Rome ne les mentionnait encore, en 1792, que sous la qualification de Marquis de Brandebourg. Maupertuis m’a dit que son grand Frédéric en était quelquefois si dépité, qu’il ne pouvait s’en taire, et qu’il en criait