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SOUVENIRS

et tout aussitôt que j’eus entendu que c’était Mme de Saint-Chamond, je m’en fus la prier de venir s’asseoir sur notre banquette au premier rang.

— Je suis le mieux du monde ici, me dit-elle.

— Vous serez encore mieux là-bas.

— Ceci n’est pas bien sûr…

— Mais pourquoi donc pas ?

— Madame, puisque vous me faites l’honneur de m’interroger, je vous dirai que je ne dois pas me placer trop près du Roi…

— C’est moi qui vous servirai de chaperon. Elle baissa les yeux en disant avec un air de fierté polie : — Je ne saurais m’approcher du Roi, Madame, et je me trouve obligée de vous prévenir que mon mari a dû quitter le régiment dont il était colonel, afin de m’épouser.

— Venez avec nous, ma Cousine, il ne s’agit pas ici de vous faire soutenir le manteau de la Reine…

— Ah ! mon Dieu ! je suis sûre que vous être Mme de Créquy ! s’écria-t-elle avec des larmes aux yeux ! et j’ai déjà mille grâces à vous rendre pour avoir eu la justice et la bonté de parler de moi comme vous l’avez fait à Choisy-le-Roi, devant tous les princes. Le Duc de Nivernais m’a rapporté…

— Venez donc vous asseoir à côté de moi : entre honnêtes femmes et gens d’esprit, il n’y a que la main, lui dis-je en prenant la sienne et la conduisant auprès de Mme de Tessé, qui lui fit place entre nous deux et qui la traita parfaitement bien. Je la trouvai piquante et, qui plus est, raisonnable et naturelle ; mais lorsque le Roi passa, le cœur nous battit, car il regarda notre voisine, et puis M. de