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SOUVENIRS

me fais habiller et coiffer, suivant la bienséance de mon âge et selon mon habitude, en mère Bobie ; je me fais ajuster un pied de rouge et mon plastron de l’ordre de Malte, en vertu de porte-respect, avec la croix teutonique de St-Jean-Népomucène, en vue de faire ma cour à l’Archiduchesse ; et me voilà sans brillans ni perles, en simple robe grise et sous une coiffe noire, au milieu de cette foule enrubannée et même endiamantée, pourrait-on dire. Les bourgeoises et les échevins n’en revenaient pas. Lauzun dit à mon fils qu’on s’était beaucoup intrigué pour savoir mon nom, et qu’il avait entendu dire que j’étais la princesse de Malte.

Après m’avoir fait la politesse de m’inviter à souper à l’Hôtel-de-Ville, il paraît que M. le Prévôt des Marchands n’avait pas eu celle de s’en souvenir ; et, comme on n’y savait où me placer ni que faire de moi, le greffier de la ville entreprit de me faire asseoir à table avec les inspecteurs-généraux d’armée ; ce que je n’acceptai certainement pas, vous pouvez m’en croire ; et ceci me faisait un certain plaisir, à dessein de m’en retourner bien vite après avoir salué LL. AA. Royales, et pour aller me divertir de ces formalistes qui m’avaient forcé la main ; mais je n’eus pas la satisfaction de cette petite vengeance : M. de Talaru se mit à dire que M. le Dauphin ne s’asseyerait pas si Mme de Créquy ne se trouvait pas couvenablement bien placée ; mais toujours fut-il que je n’aurais pu trouver place à la table de M. le Dauphin si ma nièce de Tessé ne m’avait cédé la sienne ; et voilà de ces déconvenues qui ne manquent jamais d’arriver aux fêtes de la ville. Je