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DE LA MARQUISE DE CRÉQUY.

venir sa péronnelle de femme au bord de son lit pour lui confesser et lui demander pardon d’une faute dont il s’était rendu coupable. — Vous croyez que j’ai toujours été vertueux, mais ce qui vous confondra, lui dit-il en sanglotant, c’est que je vous ai fait une infidélité, il y aura quatorze ans l’été prochain, pendant la canicule ; et je ne mourrai pas tranquille si vous n’avez pas l’indulgence et la charité de me le pardonner. Cette cauchoise lui répondit en pleurnichant qu’elle avait grand besoin de pardon pour elle-même, attendu que, jalouse comme elle était de son aimable époux, et s’étant aperçue de ce qu’il venait de lui avouer, ce qui l’avait rendue furieuse, elle lui avait fait prendre un poison lent qui serait la cause de sa mort. Elle a pourtant soin d’ajouter qu’il n’en mourra pas de cette fois-ci, et la vertueuse dame s’échappe en étouffant de rire.

Je vous paraîtrai peut-être bien dénigrante et bien acerbe à l’égard de ce pauvre M. Bignon ; mais pensez donc que j’étais restée pendant plus d’un quart d’heure à l’Hôtel-de-Ville avant de m’asseoir à table et sans-savoir si j’y trouverais place, et debout, toute droite, avec la main sur le dossier d’un fauteuil !… Voyez la belle position pour la veuve de votre grand’père, et voyez si j’ai pu manquer d’écouter et de retenir tout ce qu’on disait contre ce Prévôt-des-Marchands !