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SOUVENIRS

leux et le plus méthodique. Mme du Châtelet disait qu’il avait fait une échelle de concordance entre les étoffes et les températures, afin d’établir un parfait équilibre entre son thermomètre et l’effet matériel de ses habits. — Rendu, demandait-il à son valet, qu’est-ce que dit mon thermomètre, ce matin ? Rendu lui répondait : — Monsieur, le voilà qui marque fourrure, pendant qu’il était hier au soir à drap de Silésie : je crois que le temps est devenu fou !

J’arrive un soir à l’hôtel du Châtelet, rue de Varennes, et c’était à la suite d’une averse ; on avait fermé toutes les fenêtres à cause de M. de Mairan, qui m’interrogea d’un air soucieux sur la perturbation qui pouvait en être survenue dans l’atmosphère. Je lui-répondis à la manière de Rendu : — Monsieur, habit, veste et culotte de ratine : voilà ma façon de penser.

Ma cousine avait fini par se brouiller avec lui pour le cartésianisme, et c’était à l’instigation de Voltaire, ancien disciple de M. de Mairan tout aussi bien que Mme du Châtelet, qui n’en tinrent compte aussitôt qu’ils furent initiés à la théorie du Chevalier Newton. Voltaire avait écrit sur les forces vives, et sous le nom de Mme du Châtelet, je ne sais plus quoi qui méritait réplique, et peu s’en fallut que le sage et docte académicien n’y répondît sérieusement.

— N’allez donc pas tirer l’épée contre cette pauvre Émilie ! lui disions-nous.

— Je vous supplie d’observer que ce ne serait pas une épée : il suffirait d’un compas, reprenait-il.