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DE LA MARQUISE DE CRÉQUY.

le fils Crébillon comme un papillon sémillant, brillant et triomphant de la pudeur de toutes les fleurs, de toutes les roses et du tendre jasmin, qui prodiguaient à ses vœux les trésors de leur sein (il y a toujours de ces mauvaises rimes-là dans sa prose) ; mais voici le portrait de l’auteur du Sopha tracé par la demoiselle Beauvoisin, qui le connaissait de reste : « Pédant, vilain pédant, tu es si pédant, si sérieux, si sec et si gourmé, si composé, si empesé et si ennuyeux, que je ne veux pas que tu viennes souper avec nous chez Monticour. Les demoiselles Avrillet ont dit à Collé que tu n’avais pas trouvé autre chose à leur dire que j’ai l’honneur de vous présenter mon très-humble hommage, ou bien mes devoirs les plus respectueux, pour changer. Va donc ! tu n’es qu’un manche à balai galonné ! tu ne fais pas autre chose que des révérences à la « vieille mode, etc. »

Si vous êtes surpris de me trouver si bien au fait de la correspondance de la Beauvoisin, je vous dirai que sa lettre avait circulé dans tout Paris, par la raison que la fin du billet, que je ne saurais vous rapporter, était la chose du monde la plus originale.

Ce Crébillon n’avait aucun autre inconvénient dans la société que celui d’être ennuyeux. On le rencontrait quelquefois à l’hôtel de Surgères et chez une anglaise appelée Mme Wortley, qui était parente de sa femme. Écrivain licencieux et pédant frivole, il était, ce qui pourra vous étonner, Censeur royal, à l’effet d’examiner les nouveaux livres et d’accorder ou de refuser les priviléges du Roi pour leur publication. Un jour, il voit arriver dans son cabinet de