Page:Créquy - Souvenirs, tome 6.djvu/25

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

souviens que, dans une épître à l’Apollon-Sophocle, auteur de la Henriade, il avait cru devoir parler de la poule-au-pot, qu’il appelait délicatement « L’épouse du chantre du jour. »

M. de Villette avait eu soin d’aposter cinq ou six mauvais garçons, pour remplacer les chevaux du carrosse étoilé et pour le traîner triomphalement dans les rues, ce qui aurait été superbe aux flambeaux ! On avait compté sur la concurrence, et ces beaux messieurs avaient commencé par couper les traits des chevaux ; mais on fut obligé de les rafistoler comme on put vingt minutes après, attendu que personne ne voulut s’atteler avec eux sur cet équipage burlesque. M. de Voltaire se trouva forcé d’attendre que son harnois fût raccommodé ; il avait grand froid. Si j’avais pu supposer, dit-il impatiemment, qu’on voulût faire une sottise pareille, je me serais bien gardé de venir ici ! mais ceci n’empêcha pas de croire que s’il s’était trouvé des traîneurs en assez grand nombre, il en aurait été transporté de satisfaction.

Le couronnement et l’apothéose de M. de Voltaire ont été la fidèle image de tous les triomphes et de toutes les joies de ce monde. — « Je vous conseille de venir m’en féliciter, » disait-il en montrant ses poings fermés ; « ignorez-vous donc que la Reine était à l’Opéra et qu’elle n’avait pas daigné venir à la Comédie-Française le jour de cette représentation d’Irène ! Ne savez-vous point que tout le monde a fait semblant de s’ennuyer en voyant jouer cette pièce à Versailles, et que parce que la Reine a bâillé (elle avait apparemment des maux