Page:Créquy - Souvenirs, tome 6.djvu/45

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consolateur, enfin elle en fit son mari, et la voilà femme d’un capitaine d’infanterie dans les troupes de la Louisiane.

« Ne possédant pour tout bien qu’une plantation de trente à quarante nègres ; environnée de gens de toutes couleurs et de mauvaise nature, et dont la plupart étaient la lie du genre humain, comme il arrive ordinairement dans les colonies nouvelles ; oubliant parfaitement qu’elle avait eu pour mari l’héritier présomptif d’un empire limitrophe de la Suède et de la Chine, que sa sœur était Impératrice et qu’elle était fille d’un souverain, elle ne s’occupait que de son mari, avec qui elle partageait tous les soins qu’exigeait leur habitation. Ce tableau est peut-être le plus romanesque et le plus singulier qui puisse être présenté aux yeux de l’univers.

« Mme d’Aubans devint enceinte, et mit au monde une fille dont elle fut nourrice, et à qui elle apprit l’allemand avec le français pour qu’elle pût se souvenir un jour de sa double origine. Elle a vécu dix ans dans cette situation, plus heureuse assurément qu’elle ne l’avait été dans le palais des Czars, et peut-être plus contente que sa sœur sur le trône des Césars teutoniques.

« Au bout de ces dix années, M. d’Aubans fut attaqué d’une fistule, et la Princesse, a!armée sur le succès d’une opération qui n’était pas familière aux chirurgiens du pays, voulut revenir à Paris pour y faire traiter son mari, qu’elle y soigna comme l’épouse la plus tendre. Il avait fallu vendre leur habitation coloniale, et lorsque