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DE LA MARQUISE DE CRÉQUY.

place d’Armes, ainsi que dans la grande rue de l’Intendance, et pendant que M. de la Fayette était à dormir, j’étais à veiller auprès de mon fils.

À deux heures après minuit j’entends des cris forcenés du côté de la cour de marbre, et je vous assure que le danger qui nous menaçait personnellement votre père et moi, n’était que le moindre de mes soucis. La famille royale insultée ; la famille royale égorgée, peut-être !… et je m’élançai de corridors en escaliers jusque dans l’appartement des femmes de la Reine, qui communiquer à celui de la Comtesse d’Ossun (Dame d’Atours), où je ne trouvai que des girandoles et des lustres allumés. Le cœur me faillit d’inquiétude ou d’extrême fatigue, et ne pouvant plus respirer ni me soutenir, je fus obligée de m’asseoir et de rester là jusqu’au jour. Épouvantée, frémissante et désespérer du bruit que j’entendais, tourmentée de ce que je ne voyais pas, alarmée sur nos princes, inquiétée pour mon fils, je ne saurais vous exprimer tout ce que j’y souffris d’affliction, d’effroi, mais surtout d’impatience ; car il me semblait, et je ne sais pourquoi, que c’était ce mauvais sentiment qui prédominait sur le reste ?

Je n’ai rien de particulier à vous dire sur les détails de cette nuit affreuse, où je n’ai rien vu, puisque je l’ai passée toute seule, et clouée sur un fauteuil ! Il est assez connu qu’au milieu de la nuit, des gardes nationaux (en qui M. de la Fayette avait si bonne confiance) avaient introduit dans la cour de la chapelle, et de là, dans le corps du château, une trouve de sept ou huit cents forcenés qui se précipitèrent du côté de l’appartement de la Reine,