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SOUVENIRS

Monseigneur, que si vous n’étiez pas un lâche, je vous donnerais à tous les deux je ne sais combien de soufflets sur la figure, avec des coups de pied, sans nombre, où vous savez bien !

On fut obligé de faire avaler à ce d’Orléans, qui tremblait de tous ses membres, un verre d’eau à la glace, afin de calmer la frayeur qu’il avait eue de M. de Lambesc.

Si ce prince lorrain n’avait pas pris le parti d’émigrer huit jours après, Philippe-Égalité n’aurait certainement pas manqué de lui procurer la même destinée qu’au malheureux Suleau, et Mme de Brionne en avait été si bien prévenue qu’elle était allée solliciter un ordre du Roi pour que son fils se crût obligé de quitter la France.

Louis-Antoine Suleau, avocat au grand-conseil du Roi Louis XVI, avait été nommé Sénéchal de la Guadeloupe et Secrétaire des commandemens de la Reine en 1790. Il était le frère puîné d’un ami de votre mère appelé Dom Charles Suleau, lequel était Prieur de Notre-Dame d’Oncy en Gâtinais. Ils étaient sortis d’une opulente et fort honorable famille qui se tenait à Granvilliers dans le Clermontois, où le Marquis du Muy, votre grand-père, avait eu long-temps son régiment en garnison. Le jeune Suleau s’était fait remarquer par un grand nombre d’écrits nerveux et lucides ; il s’attachait particulièrement à démasquer et combattre la personne et la faction du Duc d’Orléans, qui ne lui pardonnait certainement pas, mais dont il obtenait continuellement des explications, des désaveux et des déclarations d’une lâcheté sans pareille. MM. de