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DE LA MARQUISE DE CRÉQUY.

pelet ; mais je pense bien que ce n’est pas sans quelques distractions de l’ordre judiciaire. Vous savez, Marquis, comment et combien vous est affectionné votre cousin,

Louis-Jean-Marie de Bourbon.


Je fus bientôt guérie, grâces à mes bains aromatiques, et je reprends la plume afin de vous continuer mon récit. Il se trouva que Bézuchet avait contrefait la signature de St.-Just et de Fouquier-Tinville, afin de se recommander à M. et Mme Roland pour en obtenir, sur les fonds du ministère de l’intérieur, une pension alimentaire et provisoire. Robespierre en profita pour le faire garder indéfiniment à Ste-Pélagie où nous avons été détenus ensemble, mais sans que je m’en pusse douter, car nous n’étions pas incarcérés dans le même corps de logis. C’est une chose dont j’ai toujours remercié le bon Dieu parce que le voisinage de cet homme aurait été pour moi, pauvre prisonnière abandonnée à la justice et l’humanité de nos guichetiers, un sujet d’insupportable dégoût et d’appréhension continuelle.

Vous verrez, dans les pièces justificatives que je vous ai fait réserver, tout ce que Bézuchet disait avoir à souffrir dans cette prison, dont il n’est jamais ressorti que pour être conduit à la guillotine. C’était sans doute à raison de son imposture envers le ménage Roland mais c’était principalement à titre de tyran féodal et d’ancien aristocrate, et pour le récompenser de s’être fait appeler Bourbon-Montmorency Créquy. Voyez donc cet étrange effet d’une étrange imposture, et cette prodigieuse concordance