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DE LA MARQUISE DE CRÉQUY.

mais il se trouva malheureusement que la place était prise ou plutôt que la cachette était remplie par le gros Abbé du Londel. Dupont fut obligé de conduire le Vicaire-Général par la rue du Bac, jusque dans le passage Sainte-Marie, en plein jour, ce qui faisait frémir ! Le bon citoyen Duperron, notre juge de paix, cacha l’Abbé de Dampierre pour la vingtième fois peut-être, et toujours le mieux du monde ; mais quand Dupont fut de retour à l’hôtel de Créquy, j’en étais déjà partie dans une vieille chaise à porteurs, pour aller en prison, on ne savait laquelle, et je ne le sais pas encore aujourd’hui.

On commença par m’interroger sévèrement sur la citoyenne Dupont, ma femme de confiance, qui distribuait de faux assignats ; on me fouilla de la matière la plus insolente et la plus odieuse, et l’on me conduisit dans une petite cave, où je fus obligée de m’asseoir à terre, parce qu’il n’y avait ni siège, ni banc, et pas même une botte de paille. J’avais soustrait à la recherche de mes geôliers une vingtaine de doubles louis que j’avais eu la prévision de faire cacher dans la semelle de mes galoches. On m’avait laissé tous mes habillemens, Dieu merci ! mais on m’avait pris un portefeuille où j’avais des assignats, et c’était pour les vérifier, soi-disant. On m’avait pris mon livre d’offices, mais on m’avait laissé mon rosaire, sur lequel on se contenta de m’adresser quelques brutalités injurieuses. Le chef de cette geôle avait nom le citoyen Salior ; il me demanda s’il était vrai que je fusse âgée de 93 ans. — Tiens, s’écria l’un des familiers de cette épouvantable inquisition, c’est l’âge de l’ancien