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DE LA MARQUISE DE CRÉQUY.

Mme d’Esparbès qui couchait dans la même chambre, nous n’avons plus ni pain ni rien du tout, comment donc faire ?

— Il faudrait aller demander quelque chose à Mme Mathieu de Montmorency, pour qui l’on envoie tous les jours une pleine soupière avec une grosse volaille de l’hôtel de Luynes…

Mme Mathieu répondit qu’elle avait tout mangé ; ensuite elle descendit dans notre chambre, où elle se plaignit amèrement de ce qu’on lui avait volé deux serviettes et je ne sais combien de bouteilles vides.

— Elle est comme son père, me dit ensuite Mme d’Esparbès : quand on parlait devant lui des pertes qu’on avait faites à la révolution, il disait toujours que personne n’en avait souffert plus que

    quante et d’une intempérance de langue insupportable. Le reste du temps, elle était parfaitement raisonnable, assez triste, honteuse et presque muette. Mme de Rohan-Rochefort et sa sœur, Mme de Cossé-Brissac, sont les dernières descendantes du grand Dunois. Quant à Mme la Marquise d’Esparbès et de Lussan, Comtesse d’Aubeterre, elle était fille de Noble Sieur Nicolas Toyeard, Écuyer, Seigneur de Jouy-sur-Seine, Secrétaire du Roi, greffier du conseil et fermier général de S. M., et d’Honnête Personne Jeanne Poisson, cousine germaine de Mme de Pompadour, qui fut l’auteur de leur fortune. Contre l’ordinaire des filles de finance, Mme d’Esparbès est une personne d’esprit et de fort bon goût. Son acte d’écrou dans les prisons portait qu’on l’avait incarcérée parce qu’elle avait été dénoncée à la société populaire de Saint-Germain-en-Laye comme aristocrate et carnivore. Elle me dit qu’elle avait envie d’en appeler à la justice et l’experience du fameux Représentant du Peuple Legendre, lequel était un boucher de Saint-Germain, précisément. (Note de l’Auteur.).