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DE LA MARQUISE DE CRÉQUY.

Il est bon d’ajouter qu’il s’était fait escorter par tout l’état-major de la place, et qu’il était deux heures et demie du matin.

Quant à son aimable compagne et digne épouse, je ne vous en raconterai qu’une seule anecdote, et je pense qu’elle vous suffira. Je vous dirai donc prestement qu’elle était allée passer une soirée du lundi-gras chez la Première Présidente de Lorraine, et qu’elle se mit à dire, avec un ton rude et sévère, à ses deux pauvres filles (Mmes de Boisse et de Lestang-Murat), qui se tenaient assises dans un coin de la salle, à portée d’un groupe d’officiers : — Pourquoi restez-vous-là, Mesdames ? Apprenez que ce que disaient ces Messieurs doit vous être aussi étranger que l’histoire romaine !

Cette habile et spirituelle personne avait la plus grande influence sur les déterminations de son mari, que la plupart des courtisans s’opiniâtraient à considérer comme la meilleure tête et le bras droit du côté droit. Je vous ai parlé des principaux révolutionnaires et des moyens d’attaque employés contre nous ; vous voyez quels étaient nos hommes d’élite et nos élémens de résistance.

Avant d’en arriver aux énormités, l’Assemblée nationale avait commencé par faire des sottises, car le crime pour le fond et le ridicule pour la forme est la révolution toute entière. Je me souviendrai toujours d’une séance où j’assistais côte à côte avec la Duchesse d’Anville, à qui je ne disais pas grand’chose. M. le Cardinal de la Rochefoucauld, du même nom qu’elle, était l’homme de France le plus mesuré, le plus discret, et le plus modestement