Page:Crevel - Êtes-vous fous?, 1929.djvu/106

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

de goitreuse, la grande œuvre du célèbre romancier vaudois qui exalte avec un juste lyrisme la costaude, pataude, rougeaude, rustaude, suissaude vertu des montagnardes assez bien d’aplomb sur leurs pieds pour ne jamais risquer de s’envoler, même quand monte, des plaines, du sud, le fœhn, vent de folie…

Donc, il était une fois une petite fille qui habitait avec les siens un joli chalet de bois. Elle chantait : Mon beau sapin, cueillait des fleurs qu’elle arrangeait en bouquets et, chaque dimanche, se rendait au prêche dans la vallée, vêtue d’une robe en broderies de Saint-Gall, dont la fine collerette s’épanouissait sous un goitre bourgeois fort prometteur et qui, du reste, ne manqua point à sa parole.

Un poète octogénaire de langue romanche, aveugle et à demi paralysé, trouva quand même assez de force, dans son vieux corps, pour aller à pied de ses montagnes à celles du canton d’Uri, où vivait l’exquise créature, tant il voulait, avant de mourir, caresser de ses vieux doigts, pour la mieux chanter, la merveille d’excroissance, objet de tous les entretiens,