Page:Crevel - Êtes-vous fous?, 1929.djvu/126

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e, l’ultime rocher. Pourquoi, d’ailleurs, voudrais-tu revenir à la surface, toi qui cueillis non des perles, mais d’anecdotiques coquillages.

Tu t’accroches à des histoires. Tu étreins des mots, tu te réjouis d’éprouver la moindre palpitation des faits. Tu ressembles à un homme qui s’étranglerait rien que pour la joie de sentir la vie pantelante sous sa peau du cou.

Or, à quoi bon le regard, les flammes ou étincelles nées du frottement des sons et des couleurs, si le mystère même n’en prouve l’essentielle et insaisissable identité avec le feu qui chauffe nos demeures, cuit nos aliments, mais jamais ne doit cesser, à la crête des songes, sa danse immatérielle ?

Le globe terrestre, les hommes, les femmes, les animaux, les choses qui le peuplent sont là pour tenter ta faiblesse. Tu ne voudrais pas mourir sans avoir vu Venise, Tahiti, les deux Amériques. Quand tu rencontres des enfants, tu cherches des épithètes qui décident de leur avenir. Tu dis : celui- ci est l’enfant séduisant, cet autre, l’enfant obscène, et à la campagne