Page:Crevel - Êtes-vous fous?, 1929.djvu/16

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
14
ÊTES-VOUS FOUS ?

mal, ne semblent plus faits les uns pour les autres.

De sa chair, de ses volontés, ne demeurent que lambeaux de brouillard, tronçons de torticolis. La femme de pierre, la pierreuse condescend à le plaindre.

« À l’aube j’ai rêvé de toi et j’ai pleuré… »

Elle a rêvé, elle a pleuré.

La pitié ? quoi ? Un regard lancé trop loin, la mise en scène de la voix, et, surtout, ces mots d’une sournoiserie… La pitié plus hypocrite, plus révoltante que la Société des Nations, la police, les choux-fleurs, les bretelles, les maladies vénériennes, le papier de verre et les fixe-chaussettes.

L’homme baisse les paupières, pour se rappeler certains mois dont les matins lui souriaient, de toutes leurs fenêtres ouvertes, chantaient à douce voix de fleuve, accompagnés en sourdine par les caresses d’ombre. Mais l’automne, soudain, a voulu que se gerçât du sel des larmes ce qui de la peau ne peut mentir.

L’homme fuit la chambre du piteux réveil, et, dans la rue, il constate l’alliance de la ville