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ÊTES-VOUS FOUS ?

Ma peau est lisse comme celle des plantes. Et sans chaleur aussi. Vous voulez vous rendre compte ? Touchez des doigts, des lèvres. On vous permet tous les contacts. Approchez. Viens, mon chéri. Profite de l’occasion. Tu ne rencontreras pas à tous les coins une morte qui parle et qui remue. Je t’ai promis la vérité. Je viens de te la dire. Je suis une morte. Et pas le seul être incroyable de la maison. Suis-moi, je vais te présenter au fakir, au taureau d’appartement, au rat qui pèse cinquante kilos.

D’abord le fakir. C’est ici. Ouvrons. Bonsoir, fakir. Tu le trouves un peu ratatiné pour ton goût. Dame, cinquante ans sans manger, sans boire, sans bouger. Il a fermé les poings quand il avait vingt ans. Il en a soixante-dix et ne les a jamais rouverts. Ses ongles lui ont transpercé les paumes. Eh bien, mon cher, c’est à ce père tranquille que je dois de n’être point déjà pourrie dans un cercueil. Mon corps se nourrit de son contact. Sans doute, je demeure privée de la température et des couleurs des vivants. Mais tout s’arrange. Mes bras sont célèbres, et je n’ai qu’à me peindre du