Page:Crevel - Êtes-vous fous?, 1929.djvu/93

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Si bien qu’on fut surnommé les Trois Grâces : Pauline, la grâce tendre ; Camille, la grâce cruelle ; Patata, la grâce parisienne.

À cette époque, le grand Behanzin d’Abyssinie vint à Paris. Les trois grâces dansèrent à l’Élysée. Behanzin n’eut d’yeux que pour la grâce cruelle. Alors commença la brillante et tragique destinée de Myrto-Myrta. La grâce parisienne entra dans la troupe des femmes nues aux Folies-Bergère, où, de grade en grade, elle obtint le bâton de maréchal. Quant à la grâce douce, sa marraine Rachel-Rosalba, qui s’était fait des relations aux Batignolles et connaissait un architecte, réussit à la marier avec ce constructeur, qui se prenait pour Solness et imaginait de curieuses bâtisses obstinées à ne pas tenir debout. Tombé avec un sixième étage, un jour, il se tua net. Veuve et enceinte, Pauline, fidèle au goût de son mari, pour les symboles nordiques, broda tout Ibsen sur les bavoirs de l’enfant posthume, petite fille qu’on baptisa très simplement : Dame de la Mer.

Pauline prétend que sa fille a la plus belle des chevelures fauves. Elle est, en vérité, carotte.