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À cause de cette naïveté dans la confession, beaucoup ont mis en doute la foi de Max Jacob ; on l’aime comme un paradis à la Charlot ; les grandes personnes ne veulent pas avoir l’air d’y croire. À vrai dire cette mysticité quotidienne, qui met dans la vie ce qui pour l’ordinaire se laisse dans les temples, déçoit un peu. On s’attend à quelque concert grave, or, au lieu de choisir l’orgue, Max Jacob s’accompagne sur la guitare, le piano mécanique et le banjo. La grand-messe du dimanche se joue à l’orchestre du cinéma. Mais cette naïveté chez un homme qui sait par ailleurs se montrer si perspicace, n’est-elle pas touchante comme un geste de petit enfant ?

Ami des objets familiers, il sait aux pensées futiles mêler la plus belle gravité.

Un poème commence ainsi :

Flegmatique et sensuel, je l’étais, je le reste
Si je digère mal, c’est que je suis si mou.

Et s’achève :

Navré quand tu t’en vas, joyeux quand tu t’approches,
Je ne peux qu’espérer l’amour.
Ce sont là des tourments, chrétiens de vieille roche
Que vous ignorerez toujours.
J’offre cet océan, la foi un cœur de pierre ;
Mon espérance au front la couronne de lierre.

Dans sa richesse multiple et décevante, celui qui s’écrie ; « Max est pécheur, Max est un homme », se crucifie chaque jour aux idées du maître ; bon larron, mais vrai bon larron, petit neveu du Galiléen par lui tant aimé.


1923