Page:Croiset - Histoire de la littérature grecque, t1.djvu/226

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

176 CHAPITRE 111. — FORMATION DE L'ILUDE

si lente à éclore, si studieuse et si maîtresse d'elle- même dans ses lonsfs calculs ? Et les nécessités même de la vie et de la profession d'aéde, telles qu'on peut les deviner, permettent-elles cette sup- position ?

Dirons-nous, pour échapper à ces difficultés, que le poète a du donner au public les parties de son œuvre à mesure qu'elles étaient achevées ? Dans quel ordre pense-t-on que ces parties du poème aient été ainsi composées et récitées par leurs au- teurs? Celui qu'elles occupent aujourd'hui est-il aussi celui de leur publication? h^ Iliade se refuse à cette hypothèse ; qui voudrait croire par exemple que le second livre qui n'aboutit à rien, et tant d'autres qui sont dans le même cas, ont pu être récités à l'origine sans les grands épisodes suivants* ? Il faut donc admettre que le poète a donné les principales parties de son œuvre au public avant les autres. Mais si l'on va jusque-là, quelle nécessité désormais de lui attribuer la composition du poème complet? Les grands épisodes se suffisaient à eux-mêmes, puis- qu'ils ont pu être récités isolément. Pourquoi vou- loir à tout prix que les autres, qui sont de simples compléments, soient nés de la même pensée, alors même qu'ils s'y rattachent mal et qu'ils portent la marque d'une origine différente ?

Une autre raison qui poussait Wolf à mettre en doute l'unité primitive de V Iliade^ c'est que les Grecs,

��1. Pour serrer de près cette hypothèse, tout un développement serait nécessaire : nous nous bornons ici à indiquer l'idée. Qu'on ne nous oppose pas les romans modernes publiés en feuilletons. Leurs auteurs n'ont pas affaire à un public rassemblé par hasard pour un banquet ou une fête; quand il y a suspension, chacun des lecteurs sait qu'il aura la suite à échéance fixe. La régularité mo- derne change ici les conditions du tout au tout.

��� �