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18i CHAPITRE III. — FORMATION DE L'ILIADE

geinenl essentiel de ce caractère. Gela devrait être, mais cela n'est pas ; et il n'y ti que la force d'une idée préconçue qui ait pu tromper sur ce point l'es- prit si judicieux d'Otfried Mûller. En réalité, les livres XVIII et XIX, qui nous montrent précisément Achille passant d'un sentiment au sentiment con- traire, bien loin d'être, comme il le laisse entendre sans oser y insister, les plus beaux ou les plus importants du poème, sont au contraire du nombre de ceux qui présentent le moins les caractères homériques. Et si l'on en exclut tout ce qui est épisodique, tout ce qui a pu être ajouté après coup, pour considérer seulement la crise morale à propre- ment parler, c'est-à-dire le message d' Antiloque et l'entrevue d'Achille avec sa mère au début du dix- huitième livre ou encore la réconciliation au dix- neuvième, il est certainement impossible d'attri- buer à ces morceaux la valeur exceptionnelle que leur prête Otfried Mùller. Le message d'Anti- loque et l'entrevue d'Achille avec sa mère sont de belles scènes, mais elles n'ont pasTampleur qu'elles devraient avoir nécessairement si l'hypothèse en question était vraie. Je remarque en particulier que le poète n'a pas tiré du personnage de Thétis ce qu'on aurait été en droit d'en attendre dans une scène capitale; elle exprime de nouveau des senti- ments déjà exprimés par elle, mais elle ne tente rien pour changer la résolution de son fils, et par suite la passion nouvelle de celui-ci, faute de contradic- tion, n'éclate pas avec toute la force qu'elle devrait avoir, étant admis que toute la suite du poème en dépend. C'est donc altérer la physionomie vraie de r//tWeque de vouloir y découvrir un plan dramatique aussi fortement conçu. En réalité, les grandes scènes morales sont celles de la Querelle^ de V Ambassade,

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